René... Fallet 20 ans après Colloque de Cusset, 17-18 octobre 2003
Colloque de Cusset, 17-18 octobre 2003, actes publiés sous la direction de Marc Sourdot (Maisonneuve & Larose, 2005, 174 p., 20 €). Depuis sa mort dont ce colloque marquait le vingtième anniversaire, René Fallet s’est certes fait plus discret mais n’a jamais totalement disparu de la vie littéraire. L’activité d’Agathe Fallet, veuve de l’écrivain, et de l’association Agir en pays jalignois, ancrée dans son Bourbonnais d’élection, ont dans un premier temps permis l’institution d’un Prix René-Fallet récompensant un premier roman qui compte déjà seize lauréats. L’édition a suivi avec, au début des années 1990, les trois volumes de Carnets de jeunesse, puis un recueil d’hommages intitulé Détours (Bleu autour, 2000), puis, rien que pour l’année 2005, une importante biographie signée Michel Lécureur et la réédition augmentée de son Brassens. Le monde universitaire a suivi, sous l’impulsion de Marc Sourdot, maître de conférences à Paris V et instigateur de ce colloque organisé comme il se doit dans le département de l’Allier. Il y a d’ailleurs une certaine ironie à voir l’université se pencher sur un auteur autodidacte et fier de l’être qui a toujours manifesté à son égard une certaine retenue, pour ne pas dire une franche hostilité. Si les voix des intervenants ont porté jusqu’au village voisin de Thionne, nul doute qu’un des occupants du champ de navets local a dû se retourner dans sa tombe en entendant évoquer les noms de Barthes, Deleuze, Guattari, Bakhtine et Mircea Elialde au sujet de son œuvre romanesque. Et en apprenant tout à trac que dans telle phrase issue de sa plume « la salve se musicalise en un rythme ternaire de cadence majeure, ici anapestique, suggérant une sorte d’éclosion », son crâne a dû carrément heurter le couvercle. Fallet divisait volontiers son œuvre en deux parties, la veine whisky qui imbibait ses romans d’amour la plupart du temps désespérés et la veine beaujolais qui irriguait ses livres truculents, des Vieux de la vieille à La Soupe aux choux. La veine whisky est quasiment absente de ce colloque où on a préféré s’intéresser au réalisme grotesque et à la filiation rabelaisienne (Marc Sourdot), au goût de Fallet pour les images (Christian Moncelet qui livre un petit précis de rhétorique falletienne), à son éloge de la littérature mineure et de son rôle révolutionnaire (Michel Laronde), aux problèmes soulevés par la traduction de La Soupe aux choux (Alena Podhorná-Polická) et à la dimension initiatique de ces romans bourbonnais (Hervé Girault). A voir ainsi ces chercheurs soulever le couvercle de La Soupe aux choux, inventorier le carnier du Braconnier de Dieu et triturer les neurones d’Un idiot à Paris, on se dit que l’exercice est un peu vain. René Fallet est un romancier de l’évidence, de la clarté, du direct, d’où le danger de l’obscurcir ou, à défaut, de le paraphraser que n’évitent pas toujours les auteurs, occupés à décrypter ce qui n’est pas caché. On préférera l’article consacré au Fallet poète, admirateur de Rimbaud, Apollinaire, Prévert (on se souvient qu’il acheta un exemplaire de Paroles chez Adrienne Monnier) et Cendrars (qui lui tendit sa « main amie »), contempteur d’Aragon et Claudel (« Fichtre, il fait bien 5 en dessous de Claudel », écrit-il dans un carnet de 1949) que Jean-Paul Liégeois signe à la fin du recueil. Un poète qu’on trouve dans les images qui émaillent ses romans mais aussi dans des vers édités la plupart du temps dans des revues ou à compte d’auteur et qui montrent l’attachement et le talent d’un romancier pour un genre qu’il plaça toujours au-dessus de tout.