mardi, novembre 18, 2008

Anne de France. Enseignements à sa fille. Suivi de Histoire du siège de Brest Couverture du livre Anne de France. Enseignements à sa fille. Suivi de

Anne de France. Enseignements à sa fille. Suivi de Histoire du siège de Brest
Couverture du livre Anne de France. Enseignements à sa fille. Suivi de Histoire du siège de Brest

Auteur : Edité par Tatiana Clavier | Eliane Viennot

Date de saisie : 27/03/2006

Genre : Histoire

Editeur : Publications de l'Université de Saint-Etienne, Saint-Etienne, France

Collection : La cité des dames, n° 4

Prix : 7.00 € / 45.92 F

ISBN : 978-2-86272-409-6

GENCOD : 9782862724096

* La présentation de l'éditeur

Anne de France.
Enseignements à sa fille, suivis de l'Histoire du siège de Brest.
La fille de Louis XI est connue pour avoir fermement gouverné la France après la mort de son père, alors que son frère Charles VIII était encore mineur, qu'elle-même n'avait pas la trentaine et que faisait rage la «guerre folle» des grands nobles. Ayant marié son frère à la duchesse Anne de Bretagne (1491), elle se concentra sur l'organisation de la vie de la Cour, l'éducation des femmes qui l'entouraient et la gestion de ses duchés, tandis que son mari, le duc Pierre de Bourbon, demeurait le second personnage de l'État.
Les deux textes en prose réunis ici sont les seuls que l'on connaisse d'elle. Les Enseignements, écrits peu après son veuvage (1503) à l'intention de sa fille unique alors adolescente, sont un document unique sur l'éducation des grandes dames de la Renaissance. La nouvelle qui les suit en illustre certains messages, en mettant en valeur la conduite d'une femme exemplaire, dans un moment critique de la guerre de Cent ans. Nourries d'idées et d'expérience, ces deux oeuvres témoignent de l'extraordinaire personnalité d'Anne de France, des principes qui sont à l'origine de sa réussite personnelle, de sa perception des dangers qui guettaient les femmes de son époque, et d'un talent que la grande Marguerite de Navarre fut la première, sans doute, à remarquer.


Tatiana Clavier est professeure certifiée de Lettres Modernes dans la région toulousaine; elle a consacré sa maîtrise et son DEA à Anne de France. Éliane Viennot enseigne la littérature de la Renaissance à l'Université de Saint-Étienne ; spécialiste de l'histoire des femmes et du pouvoir, elle est membre de l'Institut universitaire de France et présidente de la Société Internationale pour l'Étude des Femmes de l'Ancien Régime.





* Les premières lignes

Extrait de l'introduction :

Anne de France, duchesse de Bourbon et d'Auvergne (1461-1522), fut l'une des femmes politiques les plus importantes de son temps. Arrivée au gouvernement en 1483, à l'occasion de la minorité de son frère Charles VIII, elle exerça le pouvoir durant de longues années avec son mari, Pierre de Beaujeu. Puis elle se concentra sur la conservation du duché de Bourbon, revendiqué par la Couronne aux dépends des droits de sa fille Suzanne. C'est pour cette fille unique, alors âgée d'environ treize ans, que peu après la mort de Pierre elle rédigea ses Enseignements. Ce texte était suivi, dans le manuscrit offert à Suzanne en 1505, d'une assez longue nouvelle relatant un épisode de la guerre de Cent ans, qui mettait en valeur la force de caractère d'une femme et l'aide morale déterminante qu'elle apportait à son époux dans un moment crucial de sa vie.
Ces deux oeuvres sont les seules que l'on connaisse d'Anne de France. Elles témoignent prioritairement de son souci d'aider sa fille, de lui fournir à la fois des conseils et des modèles, au cas où elle se retrouverait, jeune encore, privée de sa mère. Elles explicitent les idées de la duchesse en matière d'éducation des femmes, idées qu'elle mit en pratique avec succès, puisque c'est elle qui forma la plupart des grandes dirigeantes de la génération suivante (Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas ; Louise de Savoie, deux fois régente en France; Diane de Poitiers, mentor et maîtresse d'Henri II...). Mais ces oeuvres témoignent avant tout de l'extraordinaire personnalité d'Anne de France, des principes qui sont à l'origine de sa réussite personnelle, de sa perception des dangers qui guettaient les femmes de son époque, et d'un talent que Marguerite de Navarre fut la première, sans doute, à remarquer. L'expérience de «Madame la Grande», la fille de Louis XI est bien connue des historiens de la Renaissance ; même si les recherches et les biographies sur sa personne sont rares, son rôle politique est reconnu et généralement apprécié. Par ailleurs, ses écrits ont été publiés à diverses reprises et personne n'en a jamais contesté la paternité. Pourtant, les deux personnages peinent à se rencontrer dans les commentaires qui lui sont consacrés. Fautrice, surtout, fait problème : les historiens oublient généralement d'évoquer cette facette du personnage, ou n'y accordent pas d'intérêt, et les littéraires ne sont pas parvenus, jusqu'à une date récente, à produire un discours critique sur ses écrits. Seuls les spécialistes de l'éducation et les historiens du féminisme mentionnent les Enseignements (et eux seuls), mais sans les mettre en relation avec l'expérience de la femme.
Cette incapacité persistante à considérer Anne de France comme actrice politique et comme écrivaine pourrait bien provenir de la contradiction qui paraît exister entre un parcours politique d'une remarquable pugnacité et une oeuvre qui paraît toute entière vouée à l'enseignement de la soumission féminine... C'est que l'oeuvre est généralement mal lue, et surtout mal contextualisée. Les Enseignements et l'Histoire du siège de Brest nous livrent pourtant la clef d'une carrière politique presque tout entière placée sous le signe de la dissimulation. Comme le dit Michelet - pas toujours aussi bien inspiré -, Anne de France semble avoir «mis autant de soin à cacher le pouvoir que d'autres en mettent à le montrer». Ses contemporains avaient déjà le même sentiment. D'après Brantôme, dont la grand-mère Louise de Daillon du Lude avait été élevée avec elle, la duchesse de Bourbon était «fort dissimulée», et en cela «vraie image du roi son père». Lorsque son frère Charles VIII alla à Naples, ajoute-t-il (soit en 1495, pour la première des campagnes d'Italie), elle affecta de se retirer de la vie politique nationale, laissant son mari en première ligne, mais continua de s'en occuper : elle ne demeura plus en titre de régente, mais [seulement] son mari, Monsieur de Bourbon, régent. II est bien vrai qu'elle lui faisait faire beaucoup de choses de sa tête ; car elle le gouvernait et le savait bien mener.
Une telle attitude lui avait peut-être été inspirée par son père. Toutefois, si le père et la fille sont restés dans l'histoire comme deux personnages particulièrement malins, faisant leurs coups en douce, il n'est pas sûr que le parallèle puisse être poussé très loin.