samedi, avril 08, 2006

Julien Gracq a 95 ans par Joseph Hanimann via François BON

tain argol

Photo C.T. ( Panneau Desmoules)

Joseph Hanimann, le correspondant à Paris pour la littérature du Frankfurter Allgemeine Zeitung, prend contact avec moi parce que son journal souhaite rendre hommage à Julien Gracq pour ses 95 ans : je ne crois pas que nos journaux français s’en soient préoccupés ? J’accepte évidemment volontiers : peut-on, en 4000 signes, mettre l’accent principal sur cette coupure d’avec l’usage traditionnel du roman, et garder une vue un peu synthétique du parcours ? Merci à Joseph Hanimann de m’avoir autorisé à placer avec ce texte, paru ce 26 juillet, sa traduction allemande. Et toujours le dossier Gracq sur site des éditions Corti (nouvelle adresse).

Julien Gracq : la fiction sans le roman

Nathalie Sarraute disparue en 1999, Maurice Blanchot il y a deux ans, et maintenant Claude Simon : chez Julien Gracq, c’est moins l’âge que nous honorons, que ce dont il témoigne : quand il apprend à lire, c’est le bruit terrible du monde, pendant la première guerre mondiale, qui lui en fournit les mots, tandis que le village autour reste dans l’éternelle lumière de son fleuve. Et cette figure accompagnera souvent le travail de Gracq.

Il y vit toujours, à Saint-Florent le Vieil, près d’Angers, au pied du pont qui traverse la Loire, face à l’île Batailleuse. On sait que dans la grande maison ombreuse qui l’abrite, il a sans cesse écrit, et que ce qui est publié ne représente que la partie visible de cette frontière d’un imaginaire de lecteur toute une vie exploré.

Julien Gracq aurait été un écrivain français d’importance de toute façon, par la haute densité de ses premiers livres, la partie romanesque de son travail. L’Allemagne y est toujours présente, dès Le Château d’Argol (le personnage allant suivre un cours sur Hegel, et ce rapport du langage au phénomène conditionnant l’expérience fantastique dans le vieux château de Bretagne), comme l’ombre et la menace des conflits sur la terre en partage dans Un Balcon en forêt. L’influence d’Ernst Jünger avec ses Falaises de Marbre compte dans le Rivage des Syrtes comme elle influence le Désert des Tartares que Buzzati écrit simultanément. Mais c’est sans doute là que s’enracine la coupure qui a placé Gracq dans sa position singulière et définitive, à la fois dans la continuité de notre tradition littéraire française et lui ouvrant comme une nouvelle chambre. Quand Gracq refuse le prix Goncourt pour ce Rivage des Syrtes si proche du livre de Buzzati paru peu avant le sien, c’est à l’exercice du roman qu’il renonce, probablement sans encore le savoir, même si c’est présent dans son pamphlet annonciateur des dérives d’aujourd’hui, celles de la littérature produit, de la littérature divertissement, La littérature à l’estomac.

Ce qu’explore Gracq existe déjà dans la littérature française, chez Nerval ou Proust notamment, comme il existe dans le romantisme allemand : on retient d’un livre le rêve qu’il engendre, et on cherche ce rêve, lié à la langue, lié à l’imaginaire, dans le fragment très concret du réel qui nous est immédiatement présent.

C’est l’expérience menée dans les deux livres des Lettrines : les vagues aperçues de son balcon de Saint-Jean de Monts en Vendée, et puis une digression sur le même paysage marin dans Beatrix de Balzac. Le livre qui est probablement le sommet de l’œuvre de Gracq, En lisant en écrivant, pousse ce principe à son incandescence : Nerval, Edgar Poe, Jules Verne sont les figures récurrentes de cet imaginaire qui naît des lectures d’enfance, mais pour en chercher l’expérience dans le présent, on s’attache à un paysage (Gracq est aussi géologue), à une rue aperçue d’un train, à tel souvenir de voyage ou telle rencontre.

Ce qui est fascinant chez Julien Gracq, comme cela le fut aussi chez ces autres grands témoins de l’histoire d’un siècle, Nathalie Sarraute et Claude Simon, c’est que la radicalité de l’écriture s’accroît avec le grand âge. Il faut lire par exemple La Presqu’île, écrit à près de soixante-dix ans, où le narrateur attend, dans une gare de village, une amie venue (encore) d’Allemagne : elle n’est pas là, il faut attendre le train suivant et occuper les heures. Mais il y a le hall de la petite gare, les lumières, les voix. Puis le bistrot où il déjeune, et un bref parcours en voiture jusqu’au port où il réserve une chambre d’hôtel : un monde infiniment restreint et infiniment riche de sensations, de souvenirs de lecture, de précision non pas dans l’observation du monde, mais dans ce que l’écriture révèle de ce que nous ne savons pas voir.

C’est en ayant coupé ainsi avec le roman, que Gracq agrandit d’une pièce la littérature française et nous montre un chemin neuf, qui nous augmente dans notre présence au monde. Aujourd’hui, pas un écrivain pour échapper à ce positionnement, là où le réel même exige la fiction, mais peut se dispenser de l’arsenal du roman.

International and regional Networking: Pascal Marmier

Pascal Marmier, ou lorsque le networking devient une profession

Pascal arrive aux Etats-Unis en été 1998. Il a 25 ans. Après avoir travaillé deux ans pour une société fiduciaire, il s'intéresse de près aux transactions internationales. "Les contrats que je voyais étaient souvent inspirés du droit américain", dit-il. Plutôt que de choisir un stage d'avocat qui l'attendait en Suisse, Pascal veut aller étudier le droit américain. Comme sa future femme Stéphanie a l'opportunité de poursuivre sa carrière dans le catering aérien à Boston, ils décident de partir là-bas. Ils pensent y rester dix mois…

Le professeur: deux manières de faire

 






En 1999, Pascal entre à la Boston University où il suit le programme LLM in American Law . Fasciné par la méthode "socratique", il se retrouve à décortiquer des cas de contrats devant plus de 80 étudiants.

Rien à voir avec les cours ex-cathedra de la faculté de droit de l'Université de Lausanne, où Pascal se faisait remettre en place par les profs pendant le cours. A Boston, l'enseignant a un rôle de modérateur: les étudiants présentent la défense de l'une des parties, puis analysent ce que dit la Cour.

Durant ces dix mois d'études, Pascal découvre les rouages du business: "Les profs nous obligeaient à lire le Wall Street Journal tous les jours, se souvient-il, c'était l'époque des dot-coms et même à la Law school les "venture capitalists" venaient faire des conférences et on travaillait sur des cas concrets".

Il remarque également la disponibilité des professeurs, toujours à l'écoute des étudiants, qui vont même jusqu'à donner leur numéro de téléphone privé pour répondre aux questions à l'approche des examens. Si Pascal a gardé un bon souvenir du gymnase, il avoue avoir été déçu par ses années à la faculté de droit de Lausanne, qui reste pour lui une Université "trop traditionelle".

Apprendre à se présenter

Après avoir passé l'examen du barreau de New York – le seul ouvert aux étrangers – Pascal se met à la recherche d'un travail et tombe sous le choc. Personne ne s'intéresse à ses diplômes suisses ni à son LLM! Travail temporaire, cours de français donnés à la librairie française, stage non payé chez Aresty International, il essaie tout. A force de décrire ses intérêts et ses compétences, il s'entraîne à bien se présenter, ce qui lui sera fort utile lors de tous les "networking events" auxquels il participera plus tard. C'est lors d'une rencontre avec un recruteur plus honnête que les autres qu'il a le déclic. Ce dernier lui explique qu'il perd son temps, qu'il ne trouvera pas de job traditionnel et que le seul moyen d'en trouver un, c'est de le créer . "Me créer un job, s'exclame Pascal, rien que ça !" Et c'est ce qui arrive.

Aider les jeunes entreprises

Quelques mois plus tard, suite à la lecture d'un article sur la Swiss House, il fait la connaissance de son fondateur, Xavier Comtesse. Dans un café Starbucks , à la manière de créateurs de startups, ils commencent à dessiner des graphiques afin de mettre en place une plate-forme de développement pour aider les jeunes entrepreneurs suisses.

Tout est envisagé: créer un fonds de venture capital pour les startups suisses, démarrer un club de business angels, etc. L'idée est de créer, autour de Boston, un lieu de rencontres et de faciliter les collaborations entre Suisses et Américains dans les domaines de la science, de l'éducation et du high-tech. Pascal commence alors à travailler comme mandataire en vue de l'ouverture de la Swiss House et prépare en parallèle un rapport sur l'environnement économico-juridique du "venture capital" aux USA.

Zapper d'une personne à l’autre

Au début, le défi consiste à se faire connaître et c'est ainsi que Pascal découvre l'art du networking. "Il n'est pas naturel, pour nous Suisses, de passer des soirées entières à "zapper" d'une personne à l'autre pour trouver des interlocuteurs intéressants, explique-t-il. Ici cela se fait constamment et c'est encouragé. Une personne vous en présente une autre ou vous recommande de parler à quelqu'un. Il y a un très fort désir de collaboration que je ne connais pas forcément en Suisse. On a également un sentiment de transparence: on peut voir qui fait quoi sur le web, les gens essaient véritablement de partager l'information, de trouver des projets ou des intérêts communs".

Deux ans après son ouverture, la Swiss House est reconnue comme un membre actif de la communauté "high-tech" de la région. Il y a de nombreux événements qui rassemblent des personnes aussi bien du milieu académique que du milieu des affaires. Le succès de la Swiss House provient principalement de la bonne organisation et de la qualité des intervenants.

Faire un meilleur marketing de notre excellence

Pascal est un battant. Sa motivation principale est le potentiel qu'a la Suisse dans le domaine de la science et de la technologie. "Nous sommes véritablement à la pointe de la recherche dans plusieurs domaines et avons une réputation scientifique excellente, dit-il.

Par contre, il est vraiment nécessaire de faire un meilleur marketing de cette excellence, de vendre notre recherche à l'étranger et notamment aux US. Ceci est indispensable pour attirer les meilleurs scientifiques et avoir plus de projets de collaboration, notamment avec des sociétés américaines".

Pascal se dis "généraliste" et touche un peu à tout. L' "Extension School" de Harvard lui a permis de prendre des cours à la carte et de se plonger dans le bain des startups: construire un business plan, le présenter aux investisseurs. "Une véritable boîte à outils pour démarrer un business".

Fréquenter les meilleurs

Dans son poste de conseiller au sein de la Swiss House pour le compte du Réseau Suisse d'Innovation, Pascal dispose d'une très grande liberté de travail et d'actions. Toujours friand de projets innovateurs, il est passé, ces dernières semaines, de la nanotechnologie à la bioinformatique, en passant par les derniers développement des nouvelles technologies dans les médias.

"Mais la meilleure partie de mon travail, c'est simplement d'être dans une région aussi riche intellectuellement que Boston, dit-il avec enthousiasme. On est vraiment gâtés d'avoir les meilleures Universités pour voisines. Et on peut facilement rencontrer les meilleurs spécialistes mondiaux d'une discipline. Avec les délégations qui viennent, nous visitons fréquemment les labos et bureaux des professeurs. Je passe également du temps avec les jeunes post-doc pour connaître leur recherche et ils m'aident à me préparer sur des projets dont l'aspect technique m'échappe souvent".

Contribuer à une Suisse plus high-tech

Ses projets futurs? Pascal pense rentrer en Suisse dans un ou deux ans. Il voudrait bien contribuer au développement d'une "Suisse plus high tech". Jusqu'ici il a énormément apprécié sa vie aux US, "parce qu'il y règne une atmosphère plus ouverte". Sportif depuis toujours, Pascal a participé à plusieurs triathlons durant son séjours. "Même à la piscine on se retrouve à nager entre 2 PhDs et un VP marketing d'une boîte biotech. L'énergie des nouvelles technologies est vraiment partout!"

Marie-Noëlle Hicks Coordinatrice des projets pour le Conseiller scientifique et technologique de San Francisco, 7 septembre 2002

http://www.swissup.com/art_content.cfm?upid=FR3243