Avec Valery Larbaud ...ALLEN...Le matin, promenade sans but dans Trieste
Extrait
"Mercredi. - Le matin, promenade sans but dans (Trieste). Il y a des pigeons ici, comme à Venise, de cette belle espèce des piccioni salvatici, que le dictionnaire traduit en français par "mordorés". Ce sont les vieux amis des grandes façades, pleines d'ornements et de sculptures où ils s'accrochent et se blottissent dans l'air couleur d'azur et d'or. Ils font pour ainsi dire partie de la noble architecture latine, massive et haute ; la Piazza Grande leur offre une aire vaste et commode, et leur ombre y tombe, grise et rapide, à chaque pas qu'on fait. Cette place est fort agréable ; on y trouve le plaisir de pouvoir regarder, sans être gêné par une trop grande activité citadine, un port parfaitement bleu et doux, avec, derrière soi et de chaque côté, trois murs de beaux palais neufs, de tons adoucis. Seul un peu d'ombrage manque ; le petit square parallèle à la mer, fatigué de soleil et de vent, n'en donne pas assez ; il suffit cependant à couper de feuillages verts la perspective profonde des flots, et, pour un amant de la couleur, cela n'est pas sans importance. C'est de là que je conseillerais de partir, pour une visite un peu méthodique de la ville. Le Corso est la rue qui s'ouvre au fond de la place, à gauche en tournant le dos à la mer. En le suivant, on passe devant la Bourse, sur une place, qui n'est qu'un renflement du Corso. De là, il monte à droite vers le nord. Mais la montagne se dresse au milieu même de la ville : tout près du Corso, à droite, derrière le Teatro Filodrammatico, la colline rude du Castello crève de sa nudité la masse des maisons. Et, en allant jusqu'au bout de toutes les rues embranchées à la droite de la via Torrente (immédiatement après la Piazza della Legna) on se heurte indistinctement au mur que dressent ces hauteurs dont on admire, du large, les gracieux contours."
("Journal", p. 67.)
"Mercredi. - Le matin, promenade sans but dans (Trieste). Il y a des pigeons ici, comme à Venise, de cette belle espèce des piccioni salvatici, que le dictionnaire traduit en français par "mordorés". Ce sont les vieux amis des grandes façades, pleines d'ornements et de sculptures où ils s'accrochent et se blottissent dans l'air couleur d'azur et d'or. Ils font pour ainsi dire partie de la noble architecture latine, massive et haute ; la Piazza Grande leur offre une aire vaste et commode, et leur ombre y tombe, grise et rapide, à chaque pas qu'on fait. Cette place est fort agréable ; on y trouve le plaisir de pouvoir regarder, sans être gêné par une trop grande activité citadine, un port parfaitement bleu et doux, avec, derrière soi et de chaque côté, trois murs de beaux palais neufs, de tons adoucis. Seul un peu d'ombrage manque ; le petit square parallèle à la mer, fatigué de soleil et de vent, n'en donne pas assez ; il suffit cependant à couper de feuillages verts la perspective profonde des flots, et, pour un amant de la couleur, cela n'est pas sans importance. C'est de là que je conseillerais de partir, pour une visite un peu méthodique de la ville. Le Corso est la rue qui s'ouvre au fond de la place, à gauche en tournant le dos à la mer. En le suivant, on passe devant la Bourse, sur une place, qui n'est qu'un renflement du Corso. De là, il monte à droite vers le nord. Mais la montagne se dresse au milieu même de la ville : tout près du Corso, à droite, derrière le Teatro Filodrammatico, la colline rude du Castello crève de sa nudité la masse des maisons. Et, en allant jusqu'au bout de toutes les rues embranchées à la droite de la via Torrente (immédiatement après la Piazza della Legna) on se heurte indistinctement au mur que dressent ces hauteurs dont on admire, du large, les gracieux contours."
("Journal", p. 67.)