La Croix : Jérôme Garcin, écrivain et critique, à propos de Julien Gracq,
Jérôme Garcin, écrivain et critique, à propos de Julien Gracq, l'un de ses familiers : «Sa phrase était toujours admirable»
"Nous avions une correspondance suivie. Je me rendais chez lui, souvent l’hiver, comme en pèlerinage. Il m’accueillait dans la vaste maison où il était né, où avaient vécu ses parents, et sa sœur jusqu’à ces dernières années, et où il a vieilli comme un grand enfant, resté seul. C’était très émouvant de retrouver là le plus grand écrivain français encore vivant du XXe siècle, avec son allure de petit homme de province.
Julien Gracq parlait beaucoup de “ses” morts, évoquait souvent son village à la période de la Grande Guerre, quand les intérieurs étaient noirs de suie. Il n’était pas enfermé dans la nostalgie. Il appartenait à une autre époque mais n’était pas coupé du réel.
Je lui demandais souvent s’il écrivait encore. Il considérait qu’avec son entrée dans la Pléiade, lui qui avait refusé tous les honneurs, son œuvre était achevée. Je sais qu’il continuait à écrire des fragments, ce genre où il excellait. Julien Gracq avait une idée très aristocratique de la littérature. Il s’étonnait toujours de la considération sociale excessive qu’on lui accordait par rapport à la réalité.
Il ne parlait jamais de ses livres avec vanité mais savait l’importance de son œuvre. Il lisait, avec curiosité, les thèses qu’on lui consacrait pour y découvrir des choses qu’il ignorait. Nous parlions souvent ensemble de la « Stendhalie » qui nous réunissait. Louis Poirier avait inventé la « Gracquie », un univers à part, avec une langue admirable… Sa phrase était toujours admirable.
Julien Gracq était un prosateur méticuleux, d’un impressionnant scrupule stylistique, au service d’un imaginaire fantastique. Je me suis souvent posé la question : pourquoi est-il si peu lu en France ? Peut-être cela tenait-il à sa manière d’être : au-dessus et à l’écart. C’était un cas unique : il a vécu en littérature comme on vit en religion."
"Nous avions une correspondance suivie. Je me rendais chez lui, souvent l’hiver, comme en pèlerinage. Il m’accueillait dans la vaste maison où il était né, où avaient vécu ses parents, et sa sœur jusqu’à ces dernières années, et où il a vieilli comme un grand enfant, resté seul. C’était très émouvant de retrouver là le plus grand écrivain français encore vivant du XXe siècle, avec son allure de petit homme de province.
Julien Gracq parlait beaucoup de “ses” morts, évoquait souvent son village à la période de la Grande Guerre, quand les intérieurs étaient noirs de suie. Il n’était pas enfermé dans la nostalgie. Il appartenait à une autre époque mais n’était pas coupé du réel.
Je lui demandais souvent s’il écrivait encore. Il considérait qu’avec son entrée dans la Pléiade, lui qui avait refusé tous les honneurs, son œuvre était achevée. Je sais qu’il continuait à écrire des fragments, ce genre où il excellait. Julien Gracq avait une idée très aristocratique de la littérature. Il s’étonnait toujours de la considération sociale excessive qu’on lui accordait par rapport à la réalité.
Il ne parlait jamais de ses livres avec vanité mais savait l’importance de son œuvre. Il lisait, avec curiosité, les thèses qu’on lui consacrait pour y découvrir des choses qu’il ignorait. Nous parlions souvent ensemble de la « Stendhalie » qui nous réunissait. Louis Poirier avait inventé la « Gracquie », un univers à part, avec une langue admirable… Sa phrase était toujours admirable.
Julien Gracq était un prosateur méticuleux, d’un impressionnant scrupule stylistique, au service d’un imaginaire fantastique. Je me suis souvent posé la question : pourquoi est-il si peu lu en France ? Peut-être cela tenait-il à sa manière d’être : au-dessus et à l’écart. C’était un cas unique : il a vécu en littérature comme on vit en religion."