lundi, novembre 30, 2009

Mario Rigoni Stern dans le Temps de Geneve


DECES mercredi18 juin 2008
Mario Rigoni Stern ne témoignera plus
Lisbeth Koutchoumoff

L'écrivain italien n'a cessé de dénoncer les atrocités de la guerre.

La montagne, la neige, le froid, la neige encore. Il venait de là, Mario Rigoni Stern, du haut plateau d'Asagio en Vénétie. Et ce lieu et les combats atroces qui s'y déroulèrent lors de la Première Guerre mondiale entre Italiens et Autrichiens ont hanté à jamais le grand écrivain italien qui s'est éteint mardi, laissant derrière lui une œuvre intense et sobre, tout entière dédiée à la mémoire des vies sacrifiées.

Né en 1921, il était de la même génération que Leonardo Sciascia, Pier Paolo Pasolini et Italo Calvino. Vingt ans environ en 1943, quand l'Italie fasciste s'effondre. Mario Rigoni Stern combattra sur les fronts français, grec, albanais et russe. C'est prisonnier des Allemands, après l'armistice, qu'il commence à rédiger son premier roman, Le Sergent dans la neige. Parue en 1953, cette description de la campagne de Russie est immédiatement reconnue comme un chef-d'œuvre.

En guerre. Campagne de France et d'Albanie, 1940-1941 (Ed. La Fosse aux ours, LT du 21.10.2000), paru en 1971, répond à ce premier coup de maître. Mario Rigoni Stern y relate les événements immédiatement antérieurs à la campagne de Russie. Nourri des notes prises sur le vif, ce journal de guerre évoque la vie quotidienne des soldats et le vide métaphysique qui les saisit: «Ici, on regarde les flammes en silence; on n'est nulle part; on n'est personne; on ne sait pas ce qui est vrai, ce qui ne l'est pas.»
Publicité

Les souvenirs de Primo Levi

D'emblée donc, la neige, fil blanc de toute l'œuvre. «La neige incline à la mélancolie et il suffit de regarder la forêt blanchir pour revivre toute une part de son passé.» Et la guerre et l'impétueuse nécessité de témoigner. «Je raconte de vieilles histoires qui seraient oubliées», aimait à répondre l'écrivain quand on le questionnait sur sa vocation. L'exaltation de la nature à laquelle il aimait tant se frotter, jusque tard dans sa vie, transparaît aussi de toute part.

Primo Levi a compté parmi ses proches. De lui, l'écrivain rescapé des camps mort en 1987 disait: «Le fait que Rigoni Stern existe est en soi miraculeux. Miraculeuse d'abord sa propre survie: celle d'un homme qui s'est toujours positionné aux antipodes de la violence et que le destin a contraint à participer à toutes les guerres de son temps. Miracle enfin le fait que Rigoni est parvenu à conserver son authenticité dans notre époque de fous.»