Le Temps geneve Porrentruy, ville d’études, fera tout pour sauver sa dernière librairie
Porrentruy, ville d’études, fera tout pour sauver sa dernière librairie
Jura Des comités de soutien sont en action pour éviter le dépôt de bilan
Héritage prestigieux légué par le prince-évêque de Bâle Blarer de Wartensee, Porrentruy se targue d’être ville d’études et de culture. Nombreux sont les artistes et les gens de lettres qui en sont issus. Elle héberge les principales écoles jurassiennes: lycée, école de microtechnique, HEP.
La cité, qui lutte contre le déclin – sa population est passée sous les 7000 habitants il y a vingt ans, elle s’est stabilisée à 6600 –, a reçu comme un choc l’annonce de la probable fermeture de sa dernière librairie. Surtout qu’il y a quinze ans la ville en comptait cinq, dont l’ex-Bonne Presse des catholiques PDC, «Chez Richert» pour les radicaux et la Librairie du Jura pour les gens de gauche.
Appel à la solidarité
Il n’en reste qu’une, Espace Le Pays, et elle est au bord de la faillite. Libraire depuis vingt-sept ans à Porrentruy, son patron depuis treize ans, André Lièvre, concède avoir «pris l’habitude d’être sur la corde raide» mais, après de mauvais mois de décembre et janvier, il n’est plus à même de payer les fournisseurs, qui ne lui envoient plus de livres.
Fille d’André Lièvre, Frédérique Boillat a vu, dans un reportage télévisé, une fille sauver l’entreprise de son père. Elle s’est mis en tête de reproduire l’opération et a lancé, par courriel, un appel à la solidarité. D’autres mouvements de soutien se sont constitués. Des dizaines de Bruntrutains ont promis de verser plusieurs dizaines de milliers de francs. Le sauvetage de la dernière librairie d’Ajoie n’est toutefois pas acquis. Il faut «encore une fois autant», souffle un connaisseur du dossier. «Ce sursaut est admirable, généreux et responsable», commente un ancien directeur de collège.
Papeterie plombée
Lorsqu’on évoque les causes des difficultés, André Lièvre, amoureux des livres plus que des chiffres, avoue humblement ne «pas être un gestionnaire exemplaire». Il dit surtout pâtir de la chute du chiffre d’affaires en papeterie, la faute à la concurrence. Car, note-t-il, «bon an mal an, les ventes de livres varient d’à peine 1%. Les étudiants en achètent, les enseignants aussi, les Ajoulots ne lisent pas moins.» La crise conjoncturelle a pourtant plombé les achats de beaux livres à Noël.
Depuis dix jours, Porrentruy se mobilise pour sauver «sa» librairie et «son» libraire. «Dans une ville qu’on surnommait l’Athènes du Jura, une librairie constitue un pilier important, analyse Michel Hauser, chef de l’Office cantonal de la culture. Porrentruy serait appauvri sans libraire et son rayonnement en pâtirait.» «Une librairie, avec un personnel qualifié, constitue un lieu culturel, comme un petit théâtre», renchérit Bernard Bédat, responsable des éditions régionales des Malvoisins. «Le livre et sa diffusion constituent des outils essentiels du savoir», poursuit l’élu municipal François Laville.
«Un problème d’urbanité»
Si l’affaire préoccupe les autorités, personne n’envisage que la municipalité va voler au secours d’un commerce privé. «Encore qu’une librairie a une forte dimension d’intérêt public, affirme François Laville. Nous sommes face à un problème d’urbanité. Je ne peux pas concevoir notre ville sans une bonne librairie. Je fais le même raisonnement avec notre cinéma, lui aussi à la peine.»
Devant le magasin, une vieille dame affirme avoir «donné 500 francs, parce qu’on n’a bientôt plus rien à Porrentruy. Déjà que notre hôpital est démantelé.» Puis un enseignant: «C’est ici un lieu de culture, d’échanges, de savoir. Le perdre serait catastrophique.»
Dans son bureau, André Lièvre apprécie: «Les gens sont conscients que j’offre davantage qu’un simple commerce de livres.» Soutenu par une fiduciaire, le libraire a jusqu’à la fin du mois pour se sortir du guêpier financier, restructurer son magasin et réduire les 5 postes et demi de travail: «Je devrai licencier.» Il veut croire que la mobilisation portera ses fruits.Serge Jubin
Jura Des comités de soutien sont en action pour éviter le dépôt de bilan
Héritage prestigieux légué par le prince-évêque de Bâle Blarer de Wartensee, Porrentruy se targue d’être ville d’études et de culture. Nombreux sont les artistes et les gens de lettres qui en sont issus. Elle héberge les principales écoles jurassiennes: lycée, école de microtechnique, HEP.
La cité, qui lutte contre le déclin – sa population est passée sous les 7000 habitants il y a vingt ans, elle s’est stabilisée à 6600 –, a reçu comme un choc l’annonce de la probable fermeture de sa dernière librairie. Surtout qu’il y a quinze ans la ville en comptait cinq, dont l’ex-Bonne Presse des catholiques PDC, «Chez Richert» pour les radicaux et la Librairie du Jura pour les gens de gauche.
Appel à la solidarité
Il n’en reste qu’une, Espace Le Pays, et elle est au bord de la faillite. Libraire depuis vingt-sept ans à Porrentruy, son patron depuis treize ans, André Lièvre, concède avoir «pris l’habitude d’être sur la corde raide» mais, après de mauvais mois de décembre et janvier, il n’est plus à même de payer les fournisseurs, qui ne lui envoient plus de livres.
Fille d’André Lièvre, Frédérique Boillat a vu, dans un reportage télévisé, une fille sauver l’entreprise de son père. Elle s’est mis en tête de reproduire l’opération et a lancé, par courriel, un appel à la solidarité. D’autres mouvements de soutien se sont constitués. Des dizaines de Bruntrutains ont promis de verser plusieurs dizaines de milliers de francs. Le sauvetage de la dernière librairie d’Ajoie n’est toutefois pas acquis. Il faut «encore une fois autant», souffle un connaisseur du dossier. «Ce sursaut est admirable, généreux et responsable», commente un ancien directeur de collège.
Papeterie plombée
Lorsqu’on évoque les causes des difficultés, André Lièvre, amoureux des livres plus que des chiffres, avoue humblement ne «pas être un gestionnaire exemplaire». Il dit surtout pâtir de la chute du chiffre d’affaires en papeterie, la faute à la concurrence. Car, note-t-il, «bon an mal an, les ventes de livres varient d’à peine 1%. Les étudiants en achètent, les enseignants aussi, les Ajoulots ne lisent pas moins.» La crise conjoncturelle a pourtant plombé les achats de beaux livres à Noël.
Depuis dix jours, Porrentruy se mobilise pour sauver «sa» librairie et «son» libraire. «Dans une ville qu’on surnommait l’Athènes du Jura, une librairie constitue un pilier important, analyse Michel Hauser, chef de l’Office cantonal de la culture. Porrentruy serait appauvri sans libraire et son rayonnement en pâtirait.» «Une librairie, avec un personnel qualifié, constitue un lieu culturel, comme un petit théâtre», renchérit Bernard Bédat, responsable des éditions régionales des Malvoisins. «Le livre et sa diffusion constituent des outils essentiels du savoir», poursuit l’élu municipal François Laville.
«Un problème d’urbanité»
Si l’affaire préoccupe les autorités, personne n’envisage que la municipalité va voler au secours d’un commerce privé. «Encore qu’une librairie a une forte dimension d’intérêt public, affirme François Laville. Nous sommes face à un problème d’urbanité. Je ne peux pas concevoir notre ville sans une bonne librairie. Je fais le même raisonnement avec notre cinéma, lui aussi à la peine.»
Devant le magasin, une vieille dame affirme avoir «donné 500 francs, parce qu’on n’a bientôt plus rien à Porrentruy. Déjà que notre hôpital est démantelé.» Puis un enseignant: «C’est ici un lieu de culture, d’échanges, de savoir. Le perdre serait catastrophique.»
Dans son bureau, André Lièvre apprécie: «Les gens sont conscients que j’offre davantage qu’un simple commerce de livres.» Soutenu par une fiduciaire, le libraire a jusqu’à la fin du mois pour se sortir du guêpier financier, restructurer son magasin et réduire les 5 postes et demi de travail: «Je devrai licencier.» Il veut croire que la mobilisation portera ses fruits.Serge Jubin