Rabelais en Bourbonnoys: les aureilles
Semblablement les hommes & femmes de ce temps la mangeoient en grand plaisir de ce beau & gros fruict: mais il leurs en advint beaucoup d'accidens. Car à tous survint au corps une enfleure bien estrange: mais non à tous en ung mesme lieu. Car les ungs enfloient par le ventre, & le ventre leur devenoit bossu comme une grosse tonne: desquels il est escript: ventrem omnipotem [:lesquelz feurent tous gens de bien et bons raillars]. Et de ceste rasse nasquit sainct Pansart & Mardygras. Les aultres enfloient par les espaules & tant estoient bossuz qu'on les appeloit montiferes, comme porte montaignes: dont vous en voyez encores par le monde en divers sexes et dignitez. Et de cette rasse yssit Esopet: dont vous avez les beaulx faictz & dictz par escript. Les aultres enfloient en longitude par le membre, qu'on appelle le laboureur de nature: en sorte qu'ils le avoyent merveilleusement long, grand, gras, gros, vert, & acresté, à la mode antique, si bien qu'ils s'en servoient de ceincture le redoublant à cinq ou six foys par le corps: Et s'il advenoit qu'il feut en point & eut vent en pouppe, à les veoir vous eussiez dit que c'estoient gens qui eussent leurs lances en l'arrest pour iouster à la quintaine. Et de ceulx là s'est perdue la rasse, comme disent les femmes. Car elles lamentent continuellement qu'il n'en est plus de ces gros etc. vous sçavez le reste de la chanson. D'aultres croissoyent par les iambes & à les veoir eussiez dit que c'estoient grues, ou bien gens marchans sus des eschasses. Et les petitz grymaulx les appellent en grammaire Iambus. D'aultres par les aureilles, lesquelles ils avoient si grandes que de l'une en faisoient pourpoint, chausses, et sayon: et de l'aultre se couvroient comme d'une cappe à l'espaignole. Et dit l'on qu'en Bourbonnoys encores en a de l'heraige, dont sont dictes aureilles de Bourbonnoys. Les aultres croissoyent en long du corps: & de ceulx là sont venuz les géans, & par eulx Pantagruel.