Les patrons de Touraine jouent les mécènes [ 07/04/08 ] Les echos
Les patrons de Touraine jouent les mécènes
[ 07/04/08 ]
Des associations de chefs d'entreprise soutenues par la CCI de Touraine s'efforcent de renforcer l'attractivité de leur territoire en soutenant des artistes.
En Touraine, dans cette vallée de la Loire riche en châteaux, le mécénat est une tradition. Le patronat local a décidé il y a une douzaine d'années de renouer ces liens avec les artistes, de nature à renforcer l'attractivité de leur territoire, mais aussi à bénéficier d'un « regard différent ». « Les artistes nous offrent une autre approche de nos entreprises », commente Bernard Estivin, PDG du groupe éponyme. Avec une quarantaine d'autres patrons de sociétés tourangelles, il fait partie de Mécénat Touraine Entreprises (MTE), une association loi 1901 créée en 1996 en partenariat avec la chambre de commerce et d'industrie locale et qui dispose d'un budget de 40.000 euros.
MTE a permis de soutenir de nombreux projets liés à la culture et à la valorisation du patrimoine, rapprochant le monde de l'art de celui des affaires. « Le fait de côtoyer des créateurs, univers qui ne nous est pas forcément familier, permet de réfléchir autrement ; les artistes apportent ce grain de folie, infiltrent notre manière de penser ; ce partenariat n'est pas uniquement un vecteur de communication même si nous souhaitons apparaître en Touraine comme des novateurs, des défricheurs », poursuit Bernard Estivin, qui a accueilli en résidence plusieurs plasticiens. Une quinzaine d'autres chefs d'entreprise de toutes tailles a fait de même, dans le cadre d'une autre association baptisée « Projets pour la Touraine ».
Le lien s'est fait par l'intermédiaire d'acteurs culturels chargés de concevoir les binômes les plus cohérents : ainsi le groupe Estivin, opérateur majeur dans le transport de fruits et légumes, a accueilli Cécile Hartmann, une artiste dont le support de création n'est autre que les pelures des agrumes. Une dizaine d'oeuvres réalisées avec la contribution du personnel ont été acquises soit par l'entreprise, soit par les salariés. Mais la présence de la plasticienne en résidence a aussi permis d'échanger sur l'image du groupe. Un vernissage suivi d'une exposition portes ouvertes de quinze jours se sont déroulés dans cette société, les autres chefs d'entreprise mécènes faisant de même avec leurs artistes, ce qui a permis des rencontres au sein du tissu économique local et des reportages présentant dans la presse régionale d'autres facettes des firmes tourangelles.
Resserrer les rangs
Le soutien apporté à des institutions culturelles locales a contribué quant à lui à resserrer les rangs entre les différents acteurs concourant à l'attractivité territoriale. Ainsi la CCI de Touraine, la Banque Populaire du Val de France, l'entrepreneur Pierre Lelong, grand amateur de Balzac, se sont joints au Conseil général d'Indre-et-Loire et au ministère de la Culture pour permettre au musée Balzac, situé à Saché, d'acquérir le manuscrit original du « Lys dans la vallée ». Pour cet achat de 365.000 euros, la chambre de commerce a apporté 30.000 euros, le papetier Pierre Lelong 50.000 euros, le département 97.500 euros, la banque 5.000 euros, l'Etat le complément. « Pour une collectivité locale, il est difficile de justifier auprès de sa population une acquisition comme celle-là, d'autant que le conseil général n'a pas de compétences culturelles. Il nous faut donc trouver des partenaires. Le fait que le tissu économique s'implique, qu'il se retrouve dans ce patrimoine, nous donne une légitimité », explique Julie Pellegrin, chef du service des monuments et musées d'Indre-et-Loire. Le conseil général est d'autant plus satisfait qu'il possède plusieurs maisons d'écrivain (Rabelais, Ronsard) et peut ainsi mieux valoriser l'ensemble.
Evénements majeurs
Les entreprises tourangelles se sont même retrouvées parfois à l'origine d'événements majeurs, telle l'exposition riche de 450 oeuvres au château de Tours consacrée à « Julio González en famille », artiste catalan à qui le Centre Pompidou a rendu hommage l'an passé. Philippe Grimminger, président d'une PME implantée en périphérie de Tours, Isosell, et neveu de l'exécutrice testamentaire du sculpteur, a convaincu le conservateur du musée tourangeau et l'association Mécénat Touraine Entreprises de monter cette rétrospective, les mécènes prenant en charge la réalisation du catalogue à hauteur de 20.000 euros.
Un partenariat de longue date tissé par ailleurs avec le musée des Beaux-Arts permet à MTE d'apporter son aide à de nombreuses expositions ainsi qu'à la restauration d'oeuvres. La convention signée avec la mairie de Tours par Patrick Findeling, PDG de Plastivaloire et président de MTE, a facilité la réouverture de la salle des Etats généraux, fermée depuis vingt ans, qui présente désormais des tableaux de grand format restaurés grâce au concours de l'association. Dans cette ville qui fut capitale de la soie sous Louis XI, Antoinette Roze, à la tête d'une des dernières manufactures encore en activité, a le projet d'implanter un musée consacré à ce savoir-faire. En attendant, ses pairs ont permis la restauration d'un métier à tisser de haute lisse à rubans, datant de la fin du XVIIe siècle, le seul exemplaire connu en Europe. « C'est un certain art de vivre, de créer et d'entreprendre que nous défendons », insiste Roger Mahoudeau, président de la CCI de Touraine. « Certaines valeurs aussi », à travers cette commande de la chambre de commerce d'une statue intitulée « La Foule » à l'artiste Michel Audiard, symbolisant la rencontre des hommes et le croisement des savoirs.
Les patrons tourangeaux contribuent enfin à impulser une nouvelle filière touristique autour de saint Martin. L'évêque de Tours, grand voyageur européen, est devenu célèbre par son geste de charité envers un pauvre. Sur ses traces, 450 kilomètres de chemins ont été créés en Touraine par le Centre culturel européen Saint-Martin, qui va étendre ce réseau sur le Vieux Continent sous le label « grand itinéraire du Conseil de l'Europe ».
S'associant aux festivités de « L'Eté de la Saint-Martin », l'association MTE a essayé à travers le financement d'un concert devant 300 personnes de sensibiliser les communes concernées à ce nouveau vecteur de développement local. « A travers toutes ces actions, nous souhaitons promouvoir un territoire dans sa diversité. Reste à élargir le cercle des mécènes pour disposer de davantage de moyens pour ne plus avoir à faire de choix draconiens quant aux opérations que nous soutenons », commente Patrick Finderling.
MARTINE ROBERT
[ 07/04/08 ]
Des associations de chefs d'entreprise soutenues par la CCI de Touraine s'efforcent de renforcer l'attractivité de leur territoire en soutenant des artistes.
En Touraine, dans cette vallée de la Loire riche en châteaux, le mécénat est une tradition. Le patronat local a décidé il y a une douzaine d'années de renouer ces liens avec les artistes, de nature à renforcer l'attractivité de leur territoire, mais aussi à bénéficier d'un « regard différent ». « Les artistes nous offrent une autre approche de nos entreprises », commente Bernard Estivin, PDG du groupe éponyme. Avec une quarantaine d'autres patrons de sociétés tourangelles, il fait partie de Mécénat Touraine Entreprises (MTE), une association loi 1901 créée en 1996 en partenariat avec la chambre de commerce et d'industrie locale et qui dispose d'un budget de 40.000 euros.
MTE a permis de soutenir de nombreux projets liés à la culture et à la valorisation du patrimoine, rapprochant le monde de l'art de celui des affaires. « Le fait de côtoyer des créateurs, univers qui ne nous est pas forcément familier, permet de réfléchir autrement ; les artistes apportent ce grain de folie, infiltrent notre manière de penser ; ce partenariat n'est pas uniquement un vecteur de communication même si nous souhaitons apparaître en Touraine comme des novateurs, des défricheurs », poursuit Bernard Estivin, qui a accueilli en résidence plusieurs plasticiens. Une quinzaine d'autres chefs d'entreprise de toutes tailles a fait de même, dans le cadre d'une autre association baptisée « Projets pour la Touraine ».
Le lien s'est fait par l'intermédiaire d'acteurs culturels chargés de concevoir les binômes les plus cohérents : ainsi le groupe Estivin, opérateur majeur dans le transport de fruits et légumes, a accueilli Cécile Hartmann, une artiste dont le support de création n'est autre que les pelures des agrumes. Une dizaine d'oeuvres réalisées avec la contribution du personnel ont été acquises soit par l'entreprise, soit par les salariés. Mais la présence de la plasticienne en résidence a aussi permis d'échanger sur l'image du groupe. Un vernissage suivi d'une exposition portes ouvertes de quinze jours se sont déroulés dans cette société, les autres chefs d'entreprise mécènes faisant de même avec leurs artistes, ce qui a permis des rencontres au sein du tissu économique local et des reportages présentant dans la presse régionale d'autres facettes des firmes tourangelles.
Resserrer les rangs
Le soutien apporté à des institutions culturelles locales a contribué quant à lui à resserrer les rangs entre les différents acteurs concourant à l'attractivité territoriale. Ainsi la CCI de Touraine, la Banque Populaire du Val de France, l'entrepreneur Pierre Lelong, grand amateur de Balzac, se sont joints au Conseil général d'Indre-et-Loire et au ministère de la Culture pour permettre au musée Balzac, situé à Saché, d'acquérir le manuscrit original du « Lys dans la vallée ». Pour cet achat de 365.000 euros, la chambre de commerce a apporté 30.000 euros, le papetier Pierre Lelong 50.000 euros, le département 97.500 euros, la banque 5.000 euros, l'Etat le complément. « Pour une collectivité locale, il est difficile de justifier auprès de sa population une acquisition comme celle-là, d'autant que le conseil général n'a pas de compétences culturelles. Il nous faut donc trouver des partenaires. Le fait que le tissu économique s'implique, qu'il se retrouve dans ce patrimoine, nous donne une légitimité », explique Julie Pellegrin, chef du service des monuments et musées d'Indre-et-Loire. Le conseil général est d'autant plus satisfait qu'il possède plusieurs maisons d'écrivain (Rabelais, Ronsard) et peut ainsi mieux valoriser l'ensemble.
Evénements majeurs
Les entreprises tourangelles se sont même retrouvées parfois à l'origine d'événements majeurs, telle l'exposition riche de 450 oeuvres au château de Tours consacrée à « Julio González en famille », artiste catalan à qui le Centre Pompidou a rendu hommage l'an passé. Philippe Grimminger, président d'une PME implantée en périphérie de Tours, Isosell, et neveu de l'exécutrice testamentaire du sculpteur, a convaincu le conservateur du musée tourangeau et l'association Mécénat Touraine Entreprises de monter cette rétrospective, les mécènes prenant en charge la réalisation du catalogue à hauteur de 20.000 euros.
Un partenariat de longue date tissé par ailleurs avec le musée des Beaux-Arts permet à MTE d'apporter son aide à de nombreuses expositions ainsi qu'à la restauration d'oeuvres. La convention signée avec la mairie de Tours par Patrick Findeling, PDG de Plastivaloire et président de MTE, a facilité la réouverture de la salle des Etats généraux, fermée depuis vingt ans, qui présente désormais des tableaux de grand format restaurés grâce au concours de l'association. Dans cette ville qui fut capitale de la soie sous Louis XI, Antoinette Roze, à la tête d'une des dernières manufactures encore en activité, a le projet d'implanter un musée consacré à ce savoir-faire. En attendant, ses pairs ont permis la restauration d'un métier à tisser de haute lisse à rubans, datant de la fin du XVIIe siècle, le seul exemplaire connu en Europe. « C'est un certain art de vivre, de créer et d'entreprendre que nous défendons », insiste Roger Mahoudeau, président de la CCI de Touraine. « Certaines valeurs aussi », à travers cette commande de la chambre de commerce d'une statue intitulée « La Foule » à l'artiste Michel Audiard, symbolisant la rencontre des hommes et le croisement des savoirs.
Les patrons tourangeaux contribuent enfin à impulser une nouvelle filière touristique autour de saint Martin. L'évêque de Tours, grand voyageur européen, est devenu célèbre par son geste de charité envers un pauvre. Sur ses traces, 450 kilomètres de chemins ont été créés en Touraine par le Centre culturel européen Saint-Martin, qui va étendre ce réseau sur le Vieux Continent sous le label « grand itinéraire du Conseil de l'Europe ».
S'associant aux festivités de « L'Eté de la Saint-Martin », l'association MTE a essayé à travers le financement d'un concert devant 300 personnes de sensibiliser les communes concernées à ce nouveau vecteur de développement local. « A travers toutes ces actions, nous souhaitons promouvoir un territoire dans sa diversité. Reste à élargir le cercle des mécènes pour disposer de davantage de moyens pour ne plus avoir à faire de choix draconiens quant aux opérations que nous soutenons », commente Patrick Finderling.
MARTINE ROBERT