vendredi, septembre 26, 2008

Maigret revisité par Jacques SantaMaria...

2003 - le centenaire de la naissance de Simenon

2003 est l'année du centenaire de la naissance de Georges Simenon, mort à 1989. À cette occasion, France 3 Bourgogne Franche-Comté diffusera ce samedi un documentaire inédit, réalisé par le Nivernais Jacques Tréfouël et écrit par Jacques Santamaria. À la manière d'une enquête policière, sur les traces de Simenon, le film éclairera les sept mois que l'écrivain à passés entre Nièvre et Allier.
Simenon, Maigret et le Marquis

Sept mois dans la vie d'un futur écrivain

« Chacun porte un roman en lui. Seulement, il n'en porte pas forcément d'autres. » Georges Simenon, qui aurait 100 ans cette année, en portait assez pour produire trois cent cinquante romans, traduits dans presque toutes les langues, sous dix-sept pseudonymes différents, pour vingt collections diverses, chez huit éditeurs. Désormais, il fait même partie des rangs de le Pléiade.
- France 3 -

Ce Simenon-là, il est bien connu. Mais dans son parcours de Liège à Paris, en passant par la Rochelle, l'Afrique, l'île de Porquerolles, New York et la Suisse, il est un fait moins populaire : De mai 1923 au printemps 1924, Georges Simenon travaille comme secrétaire au service du marquis Raymond d'Estutt de Tracy. À ce titre, il réside entre autre au château de Tracy-sur-Loire et à celui de Paray-le-Frésil, dans l'Allier. Mais aussi 7, rue Creuse à Nevers, où le marquis louait un appartement chez M. Pinet des Ecots. Sept mois dans la vie de Georges Simenon qui pourraient faire l'objet d'un roman parfait : un amour passionné et tout un mystère peuplé de rencontres fortes restées dans la mémoire de l'écrivain.
Garçon de bureau chez un écrivain aujourd'hui bien oublié, Binet-Valmer, Simenon sortait de ce poste peu propice grâce au marquis. Chez lui, il continue à écrire des petits contes pour les journaux galants à l'eau de rose. A cette époque, il est amoureux fou de sa première femme, Régine Renchon, qu'il a surnommé Tiggy. Mais le marquis de Tracy n'accepte pas que celle-ci les suive dans leurs pérégrinations de chasses à grandes réceptions. Les deux jeunes mariés se cachent pour se retrouver quand même. Simenon noircira alors jusqu'à dix lettres par jour pour Tiggy

C'est à cette époque aussi qu'il fera la connaissance d'un homme dont il gardera beaucoup de reconnaissance : Eugène Merle. Propriétaire d'un des journaux galants auxquels Simenon collaborait à l'époque, le Froufrou, il possédait aussi un grand quotidien qu'il venait de lancer, Paris-soir et encourageait Simenon dans sa vocation de romancier. Près d'un an après avoir rencontré le marquis de Tracy, Simenon quitte son poste de secrétaire. Commençant à vivre de sa plume, le jeune écrivain retournera vivre à Paris, mais n'oubliera jamais le monde de la noblesse rurale et les paysages du Nivernais et Bourbonnais qu'il recréera dans ses romans. Tracy-sur-Loire, « un tout petit village » dans « Le corps disparu », Maigret qui arrive à la gare de « Tracy-Sancerre » dans « M. Gallet, décédé », la rue de la Creuse à Nevers, siège du journal Paris-Centre dont le marquis était le propriétaire et auquel l'écrivain a livré quelques textes, rue qui se retrouve dans trois romans de Simenon « M. Gallét décédé », « Le Doigt de Barraquier » et « Les Suicidés ». La ville de Moulins qui sert de cadre pour « Les inconnus dans la maison » et héberge le lycée Banville dans lequel Maigret a effectué une partie de ses études. Et l'enquête de « L'Affaire Saint-Fiacre » qui conduit le commissaire sur le lieu de sa naissance. Saint-Fiacre dans le Bourbonnais n'est autre que la transcription du réel Paray-le-Frésil et l'on y trouve le grand domaine du « duc de T. ». Dans les communs du château demeure le secrétaire du marquis, un jeune homme au nom d'origine liégeoise, Jean Colin, qui ressemble fort à Simenon quand il était au service de Tracy. Et dans les dépendances du château, Simenon fait naître Maigret, fils du régisseur : « Le château, il le connaissait mieux que quiconque ! Surtout les communs ! Il lui suffisait de faire quelques pas pour apercevoir la maison du régisseur, où il était né » (Affaire Saint-Fiacre)
Le personnage fictif du père de Maigret est inspiré par le réel régisseur du château Paray-le-Frésil, Pierre Tardivon, originaire de Corbigny. Dans le documentaire, Henri Tardivon, son fils, donnera les preuves de cette enquête littéraire grâce à une lettre de Simenon décrivant l'admiration que ce dernier éprouvait à l'égard du régisseur du château de Paray-le-Frésil.
« L'excellente auberge » dans « Mémoires intimes » n'est autre que l'hôtel de l'Etoile de Saint-Thibault au bord de la Loire et près du pont où Simenon et sa femme pourrant passer quelques moments ensemble, et ce même hôtel revient sous le nom Hôtel de la Loire dans « M. Gallet décédé », cette fois-ci incluant un hôtelier nommé ... Tardivon. Et de nos jours, la réalité rejoint la fiction, puisque l'hôtel de l'Etoile s'appelle désormais de la Loire...

Sources : Magazine littéraire, N° 417 février 2003 : Sur les traces de Simenon
Jacques Tréfouël, réalisateur, producteur
Le documentaire Simenon, Maigret et le Marquis est une coproduction avec Les films du Lieu-dit, société de production, distribution et édition créée par Jacques Tréfouël à Saint-Bonnot, près de Prémery (Nièvre). Jeune producteur, mais réalisateur déjà expérimenté - il a sorti plusieurs documentaires qui constituent autant de témoignages sur la région. On y croise les flotteurs de bois, au Canal du Nivernais, un affichiste aux idées novatrices, Charles Loupot, les nourrices du Morvan ou, plus récemment un hommage à la tradition potière en Puisaye, autre documentaire réalisé en coproduction avec France 3 Bourgogne Franche-Comté.