Pierre Sylvain ...le colporteur Julien Letrouvé, héros de son nouveau livre
Livres hebdo, vendredi 29 juin 2007
Valmy, alentour
par Jean-Maurice de Montremy
Tandis que se déroule l’improbable bataille de Valmy, un colporteur croise la route d’un déserteur prussien. Hors du temps et de l’espace, voici la vaste songerie des paysages…
Romans, poésie, récits, essais… Depuis 1960, Pierre Silvain est l’auteur d’une œuvre abondante qui a suivi son chemin comme celui de Julien Letrouvé, le colporteur, héros de son nouveau livre. Il s’avance au cœur d’une grande époque – mais avec assez de recul pour voir l’espace, prendre la mesure du temps et faire sentir l’ampleur du paysage, sans s’attarder à ce qui fait le plus de bruit.
Cette fois, l’action se déroule dans les années 1791-1792, avant et après la bataille de Valmy, tandis qu’à Paris la Révolution enclenche les mécanismes qui mèneront à la Terreur. De tout cela, le lecteur ne perçoit que de lointains signes : un carrosse qui gronde sur la route, des soldats qui s’exercent au tir dans une caserne désaffectée de Vitry-le-François, un petit groupe de Prussiens égarés dans la forêt…
Pour l’essentiel, la grande forêt, les paysages de Champagne et d’Argonne comptent parmi les principaux acteurs de ce court roman. La pluie, également, car ce mois de septembre fut pluvieux, comme en firent l’expérience le duc de Brunswick et son armée, pris dans la boue, ravagés par la dysenterie – exténués au point de se contenter d’une brève canonnade sous le moulin de Valmy avant de battre en retraite à l’issue d’une sorte d’escarmouche dont la Révolution et Goethe firent un événement fondateur.
À vrai dire, pour Julien Letrouvé – qui fut un enfant abandonné –, les perceptions et la durée sont d’un autre ordre. Jusqu’à l’adolescence, il a passé des nuits merveilleuses dans l’écreigne, ce lieu où se réunissaient exclusivement les femmes, et où les hommes, passés la puberté, étaient interdits de séjour. Dans l’écreigne, on parlait, on chantait. Et vertement, et bravement. Mais on travaillait aussi, tandis qu’une lectrice faisait entendre à haute voix les romans et contes de la « Bibliothèque bleue ».
De là naquit la passion de Julien pour les petits livres qui firent la fortune de Troyes et que les colporteurs diffusaient à travers la France. Certes, Julien ne sait pas lire, mais il écoute les lecteurs, il regarde les couvertures, contemple les caractères. Et c’est ainsi, en quête de songes et d’identité qu’il parcourt l’est de la France, percevant les échos du grand remuement.
Le hasard met sur son chemin Voss, un déserteur prussien – un homme en quête d’identité, lui aussi, mais qui sait lire et qui a vu Voltaire. Tous deux, dans la forêt, vont célébrer la lecture comme une messe en plein air. Mais, il y a toujours la guerre, et la nouvelle Europe en marche…
Tout en nuance et en silence, le voyage de Julien Letrouvé s’impose par sa densité poétique. Mais on y trouve aussi, forte et discrète, une certaine idée de l’Histoire et de l’amour réunis autour d’un certain objet nommé livre.
Valmy, alentour
par Jean-Maurice de Montremy
Tandis que se déroule l’improbable bataille de Valmy, un colporteur croise la route d’un déserteur prussien. Hors du temps et de l’espace, voici la vaste songerie des paysages…
Romans, poésie, récits, essais… Depuis 1960, Pierre Silvain est l’auteur d’une œuvre abondante qui a suivi son chemin comme celui de Julien Letrouvé, le colporteur, héros de son nouveau livre. Il s’avance au cœur d’une grande époque – mais avec assez de recul pour voir l’espace, prendre la mesure du temps et faire sentir l’ampleur du paysage, sans s’attarder à ce qui fait le plus de bruit.
Cette fois, l’action se déroule dans les années 1791-1792, avant et après la bataille de Valmy, tandis qu’à Paris la Révolution enclenche les mécanismes qui mèneront à la Terreur. De tout cela, le lecteur ne perçoit que de lointains signes : un carrosse qui gronde sur la route, des soldats qui s’exercent au tir dans une caserne désaffectée de Vitry-le-François, un petit groupe de Prussiens égarés dans la forêt…
Pour l’essentiel, la grande forêt, les paysages de Champagne et d’Argonne comptent parmi les principaux acteurs de ce court roman. La pluie, également, car ce mois de septembre fut pluvieux, comme en firent l’expérience le duc de Brunswick et son armée, pris dans la boue, ravagés par la dysenterie – exténués au point de se contenter d’une brève canonnade sous le moulin de Valmy avant de battre en retraite à l’issue d’une sorte d’escarmouche dont la Révolution et Goethe firent un événement fondateur.
À vrai dire, pour Julien Letrouvé – qui fut un enfant abandonné –, les perceptions et la durée sont d’un autre ordre. Jusqu’à l’adolescence, il a passé des nuits merveilleuses dans l’écreigne, ce lieu où se réunissaient exclusivement les femmes, et où les hommes, passés la puberté, étaient interdits de séjour. Dans l’écreigne, on parlait, on chantait. Et vertement, et bravement. Mais on travaillait aussi, tandis qu’une lectrice faisait entendre à haute voix les romans et contes de la « Bibliothèque bleue ».
De là naquit la passion de Julien pour les petits livres qui firent la fortune de Troyes et que les colporteurs diffusaient à travers la France. Certes, Julien ne sait pas lire, mais il écoute les lecteurs, il regarde les couvertures, contemple les caractères. Et c’est ainsi, en quête de songes et d’identité qu’il parcourt l’est de la France, percevant les échos du grand remuement.
Le hasard met sur son chemin Voss, un déserteur prussien – un homme en quête d’identité, lui aussi, mais qui sait lire et qui a vu Voltaire. Tous deux, dans la forêt, vont célébrer la lecture comme une messe en plein air. Mais, il y a toujours la guerre, et la nouvelle Europe en marche…
Tout en nuance et en silence, le voyage de Julien Letrouvé s’impose par sa densité poétique. Mais on y trouve aussi, forte et discrète, une certaine idée de l’Histoire et de l’amour réunis autour d’un certain objet nommé livre.
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