Jean-Pierre Corniou, la connaissance n’est pas un stock mais un flux
Jean-Pierre Corniou, la connaissance n’est pas un stock mais un flux
Jean-Pierre Corniou ( ex-Directeur des Systèmes d’Information de grandes entreprises dont Renault) s’est exprimé lors des Rencontres ICC 2006, (Anticiper, Décider et Innover dans l’économie de la connaissance) au Palais Brongniart, le 19 octobre, lors de la plénière Décider, Innover et Agir dans l’Economie de la connaissance.
"Dans un monde bruissant d’informations et de connaissances, on ne peut pas s’en tenir à un savoir statique. La connaissance n’est pas un stock mais un flux. Ce n’est pas parce que vous avez fait Polytechnique à 22 ans, qu’à 50 ans, vous êtes toujours compétitif. Et ça, c’est extrêmement important de remettre en question notre processus d’élaboration du modèle élitiste et donc du pouvoir en le réinjectant, en le repositionnant de façon dynamique par rapport à l’émergence de ces formes nouvelles.
Plus que jamais, l’éducation au discernement, la réflexion critique, l’intelligence cognitive vont être des facteurs de différenciation. Et à cet égard, la manière dont marchent les outils staliniens que sont les appareils de formation initiaux m’inquiètent considérablement parce qu’au lieu d’avoir des machines productivistes dont le taux de rendement est catastrophiquement faible comme l’enseignement français (on forme 25 000 ingénieurs par an sur une classe d’âge de 750 000 jeunes avec un taux de non-productivité considérable), il faut absolument et de façon immédiate repenser ce qu’on apprend à l’école parce qu’on apprend à l’école, ce n’est pas du tout à utiliser les moteurs de recherche, c’est un savoir mort, statique, écrit dans des livres par des inspecteurs généraux qui n’ont pas ouvert leur ordinateur de leur vie parce qu’ils ne savent pas ce que c’est. Et donc, il faut repenser le processus éducatif. Et des pays comme la Finlande, la Corée du Sud, ont complètement revu leur méthode d’éducation et fabriquent des gens dont le discernement, la capacité d’analyse, la compréhension fine de l’information sont le vecteur de la connaissance.
C’est le process d’acquisition et de restitution de connaissances qui va aujourd’hui être discriminant dans la société et dans le monde de l’entreprise. Ce n’est plus l’information acquise à l’instant T qui, de toute façon, est morte. Nous sommes en dynamique et nous ne sommes plus dans un monde statique. Voilà la manière dont je perçois ce management de la complexité. Apprendre en entreprise, apprendre à l’école, apprendre en tant que citoyen, apprendre dans l’ensemble de la société civile à décrypter la complexité de ce monde ; ne plus en avoir peur, la maîtriser et se lancer dans une vision extrêmement dynamique de la société de la connaissance qui n’est pas la gestion d’un stock accaparé par une minorité de gens et qui est une production collective. (...)
La recherche d’informations, c’est absolument consubstantiel à l’intelligence humaine. Nous avons des capteurs d’informations qui sont permanents et qui sont constants. On est fabriqué comme cela. On capte la température. On capte le mouvement. On capte la lumière. Aujourd’hui, on capte avec des outils, de l’information de toute nature et notre processus cérébral est de transformer cette information, ces "data", ces données en information et ces informations en connaissances. C’est ça l’intelligence humaine. On est équipé d’une CPU ultrapuissante pour faire cela et évidemment tout ça nous permet de prendre des décisions, de faire comme disent les Québécois "de poser des gestes".
Je trouve absolument génial qu’on soit dans une ère d’excès d’information. Tant mieux. On est passé dans l’ère de la rareté, dans l’air du pouvoir qui nous interdisait d’échanger de l’information, et attention, attention, il y a des gens qui veulent nous ramener à ça, tous les jours, parce que l’information fait peur. Elle dérange. Elle est contradictoire. Elle est bruissante. Toute l’expérience humaine, toute la richesse collective est née sur la capitalisation et l’échange d’informations transformées en connaissances. Donc, je n’ai pas peur d’avoir trop d’informations, je me réjouis.
Par contre, il faut accroître notre bande passante. Il faut savoir mieux lire. J’écris dans mon blog qu’Internet réhabilitait l’écrit. Bien sûr. Je pense aussi qu’il faut savoir lire les images. Je regrette que Dominique Wolton ne soit pas là parce que c’est extrêmement intéressant ce qu’il dit, son propos sur la lecture de l’image. Je trouve qu’apprendre aux enfants - il se trouve que ma femme est enseignante dans le primaire, elle a 18 élèves - et je déplore qu’il n’y ait pas 18 ordinateurs personnels dans sa classe lui permettant d’apprendre la géographie avec Google Earth.
Je crois qu’il faut qu’on apprenne à travailler dans un monde multimédia où nos sens sont sollicités de façon très complexe... Mais allez visiter une cathédrale à l’époque où les gens ne savaient pas lire. La richesse sémantique d’une cathédrale est quelque chose de fabuleux. La lecture d’un paysage, la lecture d’une ville, la lecture de la nature, ce sont des choses remarquables. Il y a énormément d’informations. Donc, je crois qu’il faut se réjouir de l’abondance d’informations. Il faut déplorer que nos process et nos algorithmes de traitement de l’information soient encore si pauvres et si mal préparés par les systèmes éducatifs."
Posté le 11 novembre 2006
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