Gérard Guegan dans Sud-ouest..à propos d'Adrienne Monnier ..Larbaud, Joyce etc ...
Une libraire raconte sa vie
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J'ignore si les libraires se sont donné un protecteur. Sinon, à supposer qu'ils y songent, ils seraient bien inspirés de choisir Adrienne Monnier, qui, longtemps, régna sur Paris et au-delà en sa Maison des amis des livres et dont on réédite l'émouvant (et instructif) « Rue de l'Odéon ». Rien pourtant (origines sociales modestes et, pour tout bagage, un diplôme de sténodactylo) ne prédisposait la jeune Adrienne à cette fabuleuse carrière de passeuse, de guide, si elle n'avait eu dès l'enfance ce goût immodéré des mots imprimés. Le résultat laisse rêveur, surtout si l'on songe que son aventure commença en novembre 1915, époque où les femmes, même si la guerre leur avait ouvert les portes des usines, ne pouvaient espérer rivaliser avec les hommes. Or Adrienne Monnier, alors âgée de 23 ans, allait, en assez peu de temps, jouer un rôle de premier plan. Ainsi publiera-t-elle sous ses couleurs la première traduction de l'« Ulysse » de Joyce, sera-t-elle la confidente de Claudel, de Fargue, et de tant d'autres, et se verra-t-elle immortaliser par Man Ray et Gisèle Freund. On venait dans cette librairie aussi bien découvrir le très rare que bavarder avec la patronne. Laquelle le dit très bien, en évoquant ses « souvenirs de l'autre guerre » : « Dans le métier de libraire, il y a des compensations aux corvées, ce sont les belles visites : celles des auteurs et des amateurs éclairés. À ces moments, la vie brille de tout son éclat ; la conversation devient diaprée ; on reste parfois ivre et pantelant. » On en a la preuve avec les témoignages, en préambule à « Rue de l'Odéon », de Prévert, Saint-John Perse, Eisenstein (mais oui, le cinéaste soviétique), Pia, Cournot... Elle-même, Adrienne Monnier, a la plume suggestive quand elle raconte Vallette, l'homme du « Mercure », Paul Fort, Gide, Fargue, Aragon (surtout Breton), Valéry, Léautaud et Walter Benjamin. Promis, le lecteur y trouve largement son compte.
« Rue de l'Odéon », d'Adrienne Monnier, édition revue et complétée par Maurice Imbert, Albin Michel, 17 euros.
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J'ignore si les libraires se sont donné un protecteur. Sinon, à supposer qu'ils y songent, ils seraient bien inspirés de choisir Adrienne Monnier, qui, longtemps, régna sur Paris et au-delà en sa Maison des amis des livres et dont on réédite l'émouvant (et instructif) « Rue de l'Odéon ». Rien pourtant (origines sociales modestes et, pour tout bagage, un diplôme de sténodactylo) ne prédisposait la jeune Adrienne à cette fabuleuse carrière de passeuse, de guide, si elle n'avait eu dès l'enfance ce goût immodéré des mots imprimés. Le résultat laisse rêveur, surtout si l'on songe que son aventure commença en novembre 1915, époque où les femmes, même si la guerre leur avait ouvert les portes des usines, ne pouvaient espérer rivaliser avec les hommes. Or Adrienne Monnier, alors âgée de 23 ans, allait, en assez peu de temps, jouer un rôle de premier plan. Ainsi publiera-t-elle sous ses couleurs la première traduction de l'« Ulysse » de Joyce, sera-t-elle la confidente de Claudel, de Fargue, et de tant d'autres, et se verra-t-elle immortaliser par Man Ray et Gisèle Freund. On venait dans cette librairie aussi bien découvrir le très rare que bavarder avec la patronne. Laquelle le dit très bien, en évoquant ses « souvenirs de l'autre guerre » : « Dans le métier de libraire, il y a des compensations aux corvées, ce sont les belles visites : celles des auteurs et des amateurs éclairés. À ces moments, la vie brille de tout son éclat ; la conversation devient diaprée ; on reste parfois ivre et pantelant. » On en a la preuve avec les témoignages, en préambule à « Rue de l'Odéon », de Prévert, Saint-John Perse, Eisenstein (mais oui, le cinéaste soviétique), Pia, Cournot... Elle-même, Adrienne Monnier, a la plume suggestive quand elle raconte Vallette, l'homme du « Mercure », Paul Fort, Gide, Fargue, Aragon (surtout Breton), Valéry, Léautaud et Walter Benjamin. Promis, le lecteur y trouve largement son compte.
« Rue de l'Odéon », d'Adrienne Monnier, édition revue et complétée par Maurice Imbert, Albin Michel, 17 euros.
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