Ce que j'aime dans le capitalisme, c'est précisément qu'on peut y vivre à côté de banquiers: on reste poli, mais on s'ignore. C'est ça la civilisation
Vous défendez donc les interdits, l'ordre…
Je suis un grand obsédé de l'ordre! Quand j'ai dû faire mon service militaire, en 1976, j'y suis allé avec plaisir. Mais j'ai été horriblement déçu par l'armée yougoslave. Pas parce qu'elle était trop totalitaire, mais parce qu'elle était trop chaotique. Je suis absolument hostile à l'idée selon laquelle l'ennemi serait l'autorité ou l'ordre. La liberté suppose d'abord que les choses fonctionnent. Aujourd'hui, dès que vous dites discipline ou sacrifice, on vous répond fascisme ou goulag. La gauche devrait rejeter ce chantage et se réapproprier l'ordre et l'héroïsme.
Vous êtes également très critique sur le multiculturalisme. Pourquoi?
J'ai toujours détesté l'idéal multiculturel! Il y a un slogan qui en résume l'idéologie: «Celui qu'on prend pour un ennemi est quelqu'un dont on ne connaît pas l'histoire.» Quelle bêtise! Est-ce qu'on dirait d'Hitler qu'il a été notre ennemi parce que nous ne connaissions pas son histoire? Je suis d'accord avec le philosophe Peter Sloterdijk lorsqu'il évoque la nécessité d'une «logique de discrétion». Dans une ville où toutes les nationalités se mêlent, comme Paris ou New York, on ne peut pas comprendre tout le monde. Ce que j'aime dans le capitalisme, c'est précisément qu'on peut y vivre à côté de banquiers: on reste poli, mais on s'ignore. C'est ça la civilisation. Et c'est quelque chose que vous connaissez bien en Suisse.
Vous êtes donc un marxiste qui aime la Suisse?
Je l'aime beaucoup, et je déteste les gauchistes qui la trouvent trop aseptisée. Au moment de son indépendance, le rêve de la Slovénie était d'ailleurs de devenir une autre Suisse. D'une certaine manière, elle a réussi: on est anonyme, personne ne sait qui est notre premier ministre…
Interview dans l'HEBDO de Lausanne
6 mars 2008.
slavoj žižek
Je suis un grand obsédé de l'ordre! Quand j'ai dû faire mon service militaire, en 1976, j'y suis allé avec plaisir. Mais j'ai été horriblement déçu par l'armée yougoslave. Pas parce qu'elle était trop totalitaire, mais parce qu'elle était trop chaotique. Je suis absolument hostile à l'idée selon laquelle l'ennemi serait l'autorité ou l'ordre. La liberté suppose d'abord que les choses fonctionnent. Aujourd'hui, dès que vous dites discipline ou sacrifice, on vous répond fascisme ou goulag. La gauche devrait rejeter ce chantage et se réapproprier l'ordre et l'héroïsme.
Vous êtes également très critique sur le multiculturalisme. Pourquoi?
J'ai toujours détesté l'idéal multiculturel! Il y a un slogan qui en résume l'idéologie: «Celui qu'on prend pour un ennemi est quelqu'un dont on ne connaît pas l'histoire.» Quelle bêtise! Est-ce qu'on dirait d'Hitler qu'il a été notre ennemi parce que nous ne connaissions pas son histoire? Je suis d'accord avec le philosophe Peter Sloterdijk lorsqu'il évoque la nécessité d'une «logique de discrétion». Dans une ville où toutes les nationalités se mêlent, comme Paris ou New York, on ne peut pas comprendre tout le monde. Ce que j'aime dans le capitalisme, c'est précisément qu'on peut y vivre à côté de banquiers: on reste poli, mais on s'ignore. C'est ça la civilisation. Et c'est quelque chose que vous connaissez bien en Suisse.
Vous êtes donc un marxiste qui aime la Suisse?
Je l'aime beaucoup, et je déteste les gauchistes qui la trouvent trop aseptisée. Au moment de son indépendance, le rêve de la Slovénie était d'ailleurs de devenir une autre Suisse. D'une certaine manière, elle a réussi: on est anonyme, personne ne sait qui est notre premier ministre…
Interview dans l'HEBDO de Lausanne
6 mars 2008.
slavoj žižek
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