Vialatte dans l'HEBDO
Le Vialatte, une créature ébouriffante
Michel Audétat
On aimerait parfois ne rien avoir lu d'Alexandre Vialatte et retrouver l'éblouissement du jour où, pour la première fois, on découvre cette prose en arabesques légères, remplie de bizarreries drôles et baroques. En trois lignes, Vialatte ébouriffe son lecteur. Il l'entraîne dans un monde incongru où les plus grands étonnements naissent de l'attention portée aux plus petites choses. On en ressort instruit de la vitesse moyenne de l'escargot, enchanté par les trésors poétiques des almanachs, ravi d'avoir fait la connaissance du zinjanthropus, et forcément accro aux oeuvres de ce sorcier auvergnat. Le Vialatte est une drogue dure à consommer sans modération.
Il fallait que ce monde eût son guide précis et pratique. On en possède désormais un grâce à Denis Wetterwald, auteur et comédien, qui a non seulement goûté Vialatte en lecteur mais l'a également amené sur scène. Son livre est une petite géographie vialattienne où cha que continent est arpenté: ici le chroniqueur qui «savait faire tenir le monde sur une seule colonne de "La Montagne"», le journal de Clermont-Ferrand; là le romancier de l'adolescence rêveuse et tragique à qui l'on doit «Battling» ou «Les fruits du Congo»; et là le découvreur de Kafka qui franchit le Rhin grâce à Vialatte. Denis Wetterwald traverse tout cela, et bien d'autres territoires encore, au rythme d'une aimable flânerie. D'une plume limpide et chaleureuse, il fait mesurer l'extraordinaire chemin parcouru par un écrivain qui, dans le temps où il a vécu (de 1901 à 1971), ne cessa pourtant de vanter les mérites de la lenteur. Vialatte disait que la vitesse nous fait perdre notre temps plus vite: «Avec de la lenteur, on perd son temps lentement; donc moins...»
Capable d'un exercice d'admiration dépourvu d'idolâtrie, Denis Wetterwald parle très honnêtement des romans de Vialatte: «Il bâtit ses romans comme un maçon fou. Il entasse, il empile, il n'attend pas que ça sèche. Si le temps est au beau, le mur tient, sinon tout s'affaisse.» On peut donc leur préférer ces chroniques auxquelles l'écrivain consacra les vingt dernières années de sa vie en échange de médiocres rémunérations, où l'homme apparaît, entre l'éléphant d'Afrique et le mille-pattes, avec son chapeau mou et le bric-à-brac propre à sa condition de créature moderne. C'est le genre vif et libre qui correspond le mieux à la sensibilité de Vialatte, à sa nature vagabonde et à son goût du détail. Depuis qu'on a commencé à les éditer (chez Julliard), elles nous offrent un riche banquet autour duquel nous sommes apparemment toujours plus nombreux à nous rassembler.
«Alexandre Vialatte», de Denis Wetterwald, préface de Claude Duneton, Le Castor Astral, 173 p.
Michel Audétat
On aimerait parfois ne rien avoir lu d'Alexandre Vialatte et retrouver l'éblouissement du jour où, pour la première fois, on découvre cette prose en arabesques légères, remplie de bizarreries drôles et baroques. En trois lignes, Vialatte ébouriffe son lecteur. Il l'entraîne dans un monde incongru où les plus grands étonnements naissent de l'attention portée aux plus petites choses. On en ressort instruit de la vitesse moyenne de l'escargot, enchanté par les trésors poétiques des almanachs, ravi d'avoir fait la connaissance du zinjanthropus, et forcément accro aux oeuvres de ce sorcier auvergnat. Le Vialatte est une drogue dure à consommer sans modération.
Il fallait que ce monde eût son guide précis et pratique. On en possède désormais un grâce à Denis Wetterwald, auteur et comédien, qui a non seulement goûté Vialatte en lecteur mais l'a également amené sur scène. Son livre est une petite géographie vialattienne où cha que continent est arpenté: ici le chroniqueur qui «savait faire tenir le monde sur une seule colonne de "La Montagne"», le journal de Clermont-Ferrand; là le romancier de l'adolescence rêveuse et tragique à qui l'on doit «Battling» ou «Les fruits du Congo»; et là le découvreur de Kafka qui franchit le Rhin grâce à Vialatte. Denis Wetterwald traverse tout cela, et bien d'autres territoires encore, au rythme d'une aimable flânerie. D'une plume limpide et chaleureuse, il fait mesurer l'extraordinaire chemin parcouru par un écrivain qui, dans le temps où il a vécu (de 1901 à 1971), ne cessa pourtant de vanter les mérites de la lenteur. Vialatte disait que la vitesse nous fait perdre notre temps plus vite: «Avec de la lenteur, on perd son temps lentement; donc moins...»
Capable d'un exercice d'admiration dépourvu d'idolâtrie, Denis Wetterwald parle très honnêtement des romans de Vialatte: «Il bâtit ses romans comme un maçon fou. Il entasse, il empile, il n'attend pas que ça sèche. Si le temps est au beau, le mur tient, sinon tout s'affaisse.» On peut donc leur préférer ces chroniques auxquelles l'écrivain consacra les vingt dernières années de sa vie en échange de médiocres rémunérations, où l'homme apparaît, entre l'éléphant d'Afrique et le mille-pattes, avec son chapeau mou et le bric-à-brac propre à sa condition de créature moderne. C'est le genre vif et libre qui correspond le mieux à la sensibilité de Vialatte, à sa nature vagabonde et à son goût du détail. Depuis qu'on a commencé à les éditer (chez Julliard), elles nous offrent un riche banquet autour duquel nous sommes apparemment toujours plus nombreux à nous rassembler.
«Alexandre Vialatte», de Denis Wetterwald, préface de Claude Duneton, Le Castor Astral, 173 p.
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